Nouvelle organisation de la métrologie française

La réforme de la métrologie française – De nouvelles ambitions au carrefour de la science et de l’industrie.

La métrologie, science de la mesure, constitue aujourd’hui une clé des avancées de la science, de l’industrie et de la société :

  • sur le plan scientifique, les découvertes en physique quantique vont conduire à redéfinir en s’appuyant sur les constantes fondamentales, certaines unités du Système international d’unités. Cette évolution s’inscrira logiquement dans une démarche de rapprochement des différents domaines de la physique, d’une plus grande cohérence entre unités, et niveaux d’incertitudes, et contribuera ainsi à lever les verrous technologiques de nombreux projets scientifiques ;
  • en termes industriels, la qualité des produits et des services et globalement le développement du commerce international sont indissociablement liés à une meilleure maîtrise des mesures. La reconnaissance mutuelle par les instituts nationaux de métrologie de leurs possibilités de mesure dans le cadre d’un accord de reconnaissance mutuelle – en est une preuve indiscutable. De même, les exigences accrues des hautes technologies, en termes d’incertitude de mesure devront nécessairement être satisfaites, pour poursuivre le développement de notre industrie et seule la poursuite de l’amélioration de nos étalons le permettra ;
  • enfin, au niveau des attentes de la société toute entière, la métrologie est désormais fortement sollicitée dans les domaines de la santé et de l’environnement, pour améliorer les niveaux d’incertitude des très nombreuses mesures réalisées et en assurer leur traçabilité.

Dans ce contexte, de nombreux pays ont fortement investi pour développer leurs infrastructures métrologiques, les considérant comme une composante indispensable de leur indépendance nationale. Dans le même temps, la croissance exponentielle des coûts pour réaliser tout progrès supplémentaire a incité à renforcer les coopérations internationales, en particulier à l’échelle européenne, pour éviter toute duplication inutile.

La France s’est impliquée dans cet effort de structuration et de modernisation de sa métrologie, mais elle se situe néanmoins encore très loin des pays leaders comme l’Allemagne, le Royaume-Uni, ou les Etats-Unis et le Japon.

La structuration de la métrologie en France

C’est en 1969 que la France crée le Bureau national de métrologie, avec pour mission tout d’abord d’inciter les laboratoires à faire des recherches en métrologie, puis dès son rattachement au ministère du développement industriel et scientifique, à remplir des missions élargies : désigner les laboratoires primaires où sont déposés les étalons, susciter des études, harmoniser les travaux, examiner les demandes budgétaires, permettre à l’industrie de se raccorder aux étalons, assurer la représentation de la France sur le plan scientifique à l’international. Pour des raisons de gestion, le BNM, change de statut et devient Groupement d’Intérêt Public (GIP) en 1994. Aujourd’hui le GIP réunit quatre laboratoires nationaux de métrologie – appartenant respectivement au CEA, au CNAM, au LNE et à l’Observatoire de Paris – et six laboratoires dits associés.

Les travaux réalisés au cours de ces dix ans de GIP, ont permis des avancées significatives, en particulier dans les domaines des temps-fréquences, de la pression, des températures, de l’électricité, ou encore, de la chimie. Quant aux projets ambitieux intéressant la nanométrologie, l’expérience de la balance du watt, et les horloges optiques, ils témoignent clairement de la volonté et de la capacité du GIP à figurer parmi les principaux acteurs sur la scène internationale.

Ces résultats ont été obtenus grâce à la qualité des équipes scientifiques des laboratoires, mais aussi à l’implication « bénévole » de très nombreux experts et personnalités du monde scientifique, industriel et de l’administration, au travers notamment du comité d’évaluation scientifique et technique, du comité d’orientation stratégique et de l’assemblée générale du BNM. Qu’ils en soient tous chaleureusement remerciés, et, au premier rang d’entre eux, le Président du GIP pendant toute cette période, le Professeur Jean Kovalevsky.

L’organisation sous forme de GIP a néanmoins deux inconvénients majeurs : sa temporalité alors que la métrologie est par essence une mission pérenne et l’existence d’un échelon intermédiaire qui ne facilitait pas sa visibilité à l’international, la plupart des pays ayant eux fait le choix d’un seul institut national entouré, le cas échéant, d’organismes associés. Le Gouvernement vient donc de décider de réformer l’organisation du pilotage de la métrologie française, pour en optimiser les moyens et peser davantage à l’échelle européenne et internationale dans le cadre de la constitution de réseaux d’excellence.

Les points clés de la réforme :

Le pilotage de la métrologie est confié au LNE

Un décret conjoint des ministères de l’industrie et de la recherche vient d’acter la dissolution du Bureau national de métrologie et le transfert de la mission de pilotage de la métrologie au LNE. Deux éléments majeurs ont guidé ce choix : Le LNE était devenu, ces cinq dernières années, l’acteur le plus important du BNM, avec l’intégration successive d’activités dans le domaine de la métrologie légale en 1999, puis en métrologie électrique fondamentale en 2001, et enfin, en prestations de raccordement dans le domaine électrique en 2004. Dans le même temps, le LNE avait sensiblement intensifié son effort de R&D et ses investissements en nouveaux laboratoires, en particulier dans le domaine de la mesure ; Le statut d’Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial est apparu approprié au pilotage d’activités de métrologie, pour concilier des activités de recherche et des prestations de raccordement à l’industrie.

A cette occasion, le nom du LNE évolue en « Laboratoire national de métrologie et d’essais », tout en gardant le sigle bien connu « LNE ». Le LNE est ainsi conforté dans son positionnement au carrefour de la science et de l’industrie, avec une forte ouverture sur l’Europe. Les équipes du BNM ont été intégrées au LNE dans une Direction de la recherche scientifique et technologique, en charge du pilotage de la métrologie au niveau national et du suivi des travaux de recherche relevant des champs de compétence du LNE, dans les domaines de la mesure et des essais. Luc Erard, qui était le directeur du BNM, a été récemment nommé Directeur de cette nouvelle Direction du LNE.

Un comité de la métrologie : pour orienter le pilotage

Comme précisé dans le décret, le LNE assurera ce pilotage avec l’aide d’un comité de quatorze personnes, constitué de sept personnalités qualifiées – scientifiques et industrielles – couvrant le plus largement possible les différents domaines de la métrologie, et de sept représentants d’organismes, respectivement du LNE et des trois autres laboratoires nationaux (CEA, CNAM et Observatoire de Paris), du CNRS, et des ministères de la recherche et de l’industrie. Ce comité examinera les propositions des différents acteurs de la métrologie française pour définir des priorités, évaluer la pertinence des projets et suivre les résultats obtenus. Il fera par ailleurs des propositions en matière de programmation à moyen terme des travaux et animera une réflexion prospective à plus long terme. Le secrétariat du comité sera assuré par la direction scientifique et technologique du LNE. Le comité adressera ses avis et propositions à la direction du LNE qui sera chargée de leur mise en œuvre, en concertation avec l’ensemble des partenaires impliqués. Ce comité est présidé par Michel Combarnous, membre de l’Académie des Technologies. Il a été officiellement mis en place le 31 mars 2005.

L’optimisation de la structure de base

La structure de base qui fonctionnait bien est maintenue, à savoir le LNE et trois laboratoires nationaux de métrologie qui continueront leurs missions dans le cadre de contrats avec le LNE. Il en sera de même pour les laboratoires qui étaient associés au BNM et qui seront désormais associés au LNE. Les collaborations plus ponctuelles sous forme d’actions dites « d’incitation » seront également poursuivies pour élargir le cercle des acteurs de la métrologie.

Par contre, la nouvelle organisation donnera plus de souplesse pour optimiser les moyens consacrés dans les différents laboratoires aux travaux de métrologie, dans un contexte où toute amélioration des performances nécessite des investissements en locaux et équipements de plus en plus coûteux : en particulier, des unités mixtes ou laboratoires communs devraient être créés, permettant de faire travailler, sur un même lieu, des équipes de scientifiques des différents établissements, s’appuyant sur des équipements de référence mis en commun. Il est par ailleurs prévu de renforcer les coopérations avec l’industrie, et de s’intégrer plus résolument dans les réseaux d’excellence aux niveaux européen (Euromet) et international.

Les priorités pour les années à venir

Les quatre principaux axes de développement proposés sont :

  • La métrologie chimique et biologique, pour répondre aux multiples attentes dans le domaine de la santé (en particulier au niveau de l’usage des rayonnements ionisants) et du développement durable, par le développement de méthodes d’analyse et de matériaux de référence reconnus au plan mondial et permettant une traçabilité des mesures au Système international d’unités (SI) ;
  • Les besoins nouveaux de la métrologie dans les domaines traditionnels, comme le temps-fréquence (projet Galileo notamment), l’échelle des températures (notamment vers les très hautes et très basses températures, pour les domaines de l’énergie et des transports), l’optique ou l’électricité haute fréquence (télécommunications, technologies de l’information) ;
  • La nanométrologie, pour laquelle de nouveaux laboratoires ont été construits au LNE à Trappes, et qui concerne non seulement le développement de nano-références (dimensionnel, forces, grandeurs électriques…) mais aussi les méthodes de référence nécessaires pour la caractérisation des nano matériaux.
  • Les unités de base et les constantes fondamentales : l’excellence de nos équipes de recherche fondamentale doit nous permettre de participer activement à la redéfinition des unités du Système International (SI) au travers de la détermination de constantes fondamentales.

Ces priorités seront bien entendu révisées et complétées dans le cadre du travail qui devrait être réalisé par le comité de la métrologie au cours de l’année 2005. En conclusion, la France se met en ordre de marche pour peser davantage sur la scène européenne et internationale, dans un contexte où la métrologie joue un rôle croissant sur le développement du commerce mondial et doit répondre aux attentes de la société en matière de santé et de maîtrise des risques.

Marc Mortureux

“Édito de la lettre N° 13 du Collège Français de Métrologie

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